•  

     

    Cet ouvrage est le récit illustré et authentique de la lunette du père Josset, instrument d’observation du ciel unique au monde, réalisation d’un rêve d’enfant né en 1880, en fin de période victorienne …
    L’auteur a retracé, durant 25 ans d’enquête, beaucoup d’étapes de la vie de cet instrument hors du commun, unique au monde.
    Au fur et à mesure du déroulé de ces chemins de traverse, les destins extraordinaires d’hommes ordinaires sont dévoilés.
    Le lecteur découvrira que tous ces hommes ont un point commun : un destin étoilé …

     

     

    L’auteur étant atteint d’un syndrome neurologique dégénératif (maladie orpheline incurable), certains passages sont redondants, il y a des doublons, des oublis, etc … Cette histoire est contée petit à petit, au fur et à mesure qu’elle est écrite (pas de façon chronologique mais au fur et à mesure que la maladie le permet). L’iconographie sera complétée et la chronologie respectée dans la version papier quand elle sera disponible.
    De même, certains évènements vite racontés peuvent prendre X pages (voire un chapitre) à être expliqués par écrit, donc, pour passer cet écueil, pour l’instant, il a été procédé à un recours à la vidéo.
     
    Merci de ne pas lui tenir rigueur de ces aléas.

     

    Rien n’est imaginé, sauf certaines situations et/ou conversations. Elles constituent simplement des techniques d’édition pour faire certains commentaires
     

    Destins étoilés

     
     
     
     Lunette Wigglesworth – Cooke de 15“ – Observatoire de Scarborough (1885)
     
     
     
    Chapitre premier
     
    Redmond Barton Cafferata naît en Angleterre, à Newark-on-Trent, le 14 avril 1878, dans une famille de riches industriels, exploitants miniers du Nottinghamshire, fondateurs de la société Cafferata et Cie.
    Il découvre l’astronomie avec les romans de Jules Verne, choisis par ses parents et lus par sa nurse, dans la grande bibliothèque victorienne du manoir familial de Staunton Hall. (– From the Earth to the MoonAround the Moon, et bien d’autres …).
    Plusieurs fois par an, à partir de Juin 1884, son père, animé au début par la simple curiosité, l’emmène à quelques dizaines de miles de Newark, dans la petite ville portuaire de Scarborough où un imposant observatoire privé est en cours de construction. Au fil des visites son père sympathise avec le propriétaire des lieux, J. Wigglesworth(1) qui l’invite à l’inauguration de l’observatoire en février 1885. Redmond est tout juste âgé de 5 ans. Le garçonnet, émerveillé par la grande beauté de cette “machine à observer les étoiles”, assiste donc à la mise en place de l’instrument de l’observatoire : une lunette Cooke(2) de 15“. Personne ne le sait encore, mais, parmi l’équipe Cooke qui règle la lunette, un des jeunes apprentis présents n’est autre qu’Harold Dennis Taylor, futur grand nom de l’optique et interlocuteur personnel de Redmond … (40 ans plus tard !).
    Sa vie durant, Redmond se souviendra de ces longs voyages en calèche, rythmés par le doux balancement du trot des chevaux.  
              
    La même année, à son arrivée au collège jésuite de Stonyhurst(3), ses parents l’inscrivent au club d’astronomie. Au départ du collège, le dimanche, avec ses camarades, lors de longues promenades pédestres en bord de mer, il se rend dans un charmant petit village côtier de la côte Est, Bidston, qui possède un observatoire météorologique, une école de la Marine et un phare.
     
    À Stony’, les nuits qu’il passe avec les “grands” et certains professeurs à observer les étoiles à l’œil nu lui rappellent celles passées avec J. Wigglesworth et finissent de le marquer à tout jamais. L’association du collège ne possédant donc pas encore d’engin d’observation, les professeurs utilisent ces nuits à expliquer les constellations, la mécanique céleste, le déroulement et le pourquoi des saisons, le lever héliaque de tel astre et aussi les grands noms de l’astronomie, (de toutes époques, origines et types. Les professeurs leur parlent ainsi à leurs élèves de tous les hommes qui font ou ont fait l’astronomie, aussi bien des philosophes que des inventeurs, découvreurs, créateurs, auteurs, amateurs … tels que, par exemple, Hérodote, Hipparque, Galilée, Kepler, Newton, Brahé, Messier et aussi Herschel, Le Verrier, Romer, Fraunhofer, Lassel, Ross et tant d’autres noms fameux …
     
    De son côté, Redmond fait rêver tout éveillé ses camarades en leur décrivant, de façon onirique et avec ses images et mots enfantins, les cerceaux vus sur une planète (les anneaux de Saturne), les bandes équatoriales et la tache rouge de la splendide Jupiter, le ballet inattendu de ses quatre satellites, la plus belle nébuleuse céleste qui, tel un papillon aux ailes grandes ouvertes, orne la si reconnaissable constellation d’Orion (M42), le petit chariot de lumière (M45, les Pléiades de la constellation du Taureau), et, enfin, les centaines de cratères de la lune ; il y avait même vu des mers, comme celle qu’on voit à Bidston, mais toutes entièrement grises, sans vagues ni bateaux ! C’est à cette période que démarre vraiment sa passion pour l’astronomie. Deux images sont gravées pour toujours dans sa mémoire d’enfant ; la spectaculaire lunette de Scarborough et le bâtiment de l’observatoire de Bidston (the Némo scope and the Robur’s house, comme il les appelle). Son simple émerveillement d’enfant pour les étoiles se change petit à petit en véritable passion. Dès 1886, et à sa demande, ses parents, sentant la passion monter en lui, ne font aucune difficulté pour l’inscrire à la R.A.S. (Royal Astronomical Society).
     
    Cette société savante (dont il est le plus jeune membre !), est une institution d’envergure internationale d’origine anglaise. Elle publie mensuellement et pour ces adhérents, une lettre d’information et de liaison, la MNRAS (Monthly Notices of the Royal Astronomical Society). C’est sa nurse qui est chargée de lire cette note dès qu’elle arrivera (note bien sûr totalement incompréhensible par son destinataire, vu son jeune âge !).
     
    En 1892, à l’initiative du professeur fondateur du club d’astronomie de Stony’, une visite des villes de Bath et Slough est organisée. Ces endroits sont très connus, voire vénérés par les astronomes car c’est là qu’un astronome anglais, mondialement  connu, a découvert visuellement (et non par le calcul) une planète : Uranus, découverte par William Herschel.
     
    Redmond est tellement emballé par cette visite qu’il demande à son professeur d’organiser un séjour en Irlande où, vers 1840, dans le parc de son château de Birr Castle, un amateur hors du commun a fait construire le plus gros télescope du monde : l’illustre Lord Ross(4) et son prestigieux léviathan d‘1m83 à miroir en bronze.
    Malheureusement, alors que ce séjour en est encore à la phase de préparation, son cycle d’étude s’achève et il doit partir de Stony’.
     
    Il ne verra donc pas ce très célèbre instrument. Pour le même motif il n’assistera pas non plus à l’arrivée la lunette de 15“ qui porte le nom d’un célèbre ancien professeur du collège : le frère Perry(5) et que la Direction de son collège avait commandé sans piper mot aux amateurs en herbe !
    Redmond quitte l’école car il se destine à une carrière autre que celles de ses frères qui comptent intégrer le groupe industriel familial. Lui veut être marin au long cours dans la Marine Marchande.
     
     
    Ses parents l’inscrivent donc, en 1893, à l’École de la Marine de Bidston (ville qu’il fréquente régulièrement). Il y est cadet et apprend le métier sur le bateau-école Conway. Il gagne un an de scolarité car, en plus d’être un sportif hors-norme (champion d’aviron de Stony’), il est remarquablement intelligent et travailleur. Sorti en Juin 95 de l’école, il embarque en septembre sur le navire le Bidston Hill : un clipper reconverti en 4 mâts-barque (le fait que, pendant deux ans, il ait été premier de la classe l’aide à trouver un embarquement en un mois seulement). Il parcourt alors le monde de part en part, découvre le sud de l’Australie en 1896, puis, en 97, les Philippines. Comme il est très habile de ses mains et perspicace, il apprend très vite à faire le point aux étoiles. Pour cela, il utilise un magnifique sextant en laiton Cooke (pour avoir dévoré les catalogues Cooke à Scarborough, il savait pertinemment qu’en plus des lunettes astronomique, ce fabricant construit aussi des appareils de mesure de tous types mais il n’avait jamais eu l’occasion d’en voir, et encore moins d’en manipuler !). Quand il est de Quart, tout l’équipage, sans exception de grade, fait appel à lui pour identifier telle ou telle étoile ou telle ou telle zone du ciel. On lui donne même le surnom de Stargazer. C’est lors de cet unique tour du monde qu’il aura la joie de découvrir les richesses du ciel étoilé de l’hémisphère austral (tel l’abbé N.L. De Lacaille au XVIIIe siècle, il découvre Omega du Centaure, la Boîte à Bijoux, Êta de la Carène, les Nuages de Magellan …). Fin 97, lors du périple qui doit le ramener chez lui, au large de Boston, une épidémie de diphtérie se déclare à bord. Tout l’équipage est alors débarqué et pris en charge par l’hopital de cette ville. Cet évènement met un terme définitif à ce voyage et à sa carrière d’homme de la mer. Durant sa convalescence, qui dure plusieurs mois, il visite un observatoire amateur où il découvre puis utilise une magnifique lunette Clark de 200mm(6), abritée par un magnifique bâtiment. Le propriétaire a le même âge que Redmond et est assez pantois de voir avec quelle dextérité cet amateur du bout du monde manipule son engin. Il comprend mieux quand il apprend que son hôte a appris l’astronomie avec une lunette de 380mm ! Les deux amateurs deviennent amis en quelques semaines.
     
    En 1898, pour son retour des Amériques, il embarque à bord du S.S. Britannic (paquebot transatlantique de luxe très rapide, champion du monde vitesse sur ce parcours !). Il rejoint alors la société familiale où il débute comme simple mineur au fond des galeries et suit en même temps des cours pour être ingénieur chimiste.
     
    C’est à Londres, en 1900, lors d’une grande réception donnée à l’École supérieure qu’il fréquente qu’il rencontre sa future femme, la belle Rose-Tatiana, fille de l’ambassadeur de toutes les Russies, Michael Fédérovitch de Bartholomey, un géant de 2 mètres, aussi impressionnant physiquement que verbalement et qui parle 30 langues et dialectes !
     
    Rose a un parcours personnel assez tortueux derrière les ors de son statut. Fille unique car orpheline de mère dès sa plus tendre enfance, elle a suivi son père dans chacune de ses affectations. Elle parle ainsi plusieurs langues car elle a habité dans un nombre impressionnant de lieux. À 20 ans, elle connaît déjà certains grands de ce monde (dont quelques-uns depuis ses 5 ans car son père l’emmenait partout, y compris dans les réceptions de l’ambassade). À titre personnel, elle a de vraies passions : la botanique et le chant (elle rêve d’une plantation de plantes du Monde et d’une salle de musique …). Bien que très jeune, elle a une vie mondaine fort remplie, elle qui ne rêve que d’hibiscus et de bougainvilliers !
        
    Ils se marient en décembre 1901 à Kensington(7) et vont avoir quatre enfants : Redmond Randolph (1903), Gérald Waterworth (né en Suisse, 1906), Sonia Ellen (1909) et Tatiana (1914 – surnom Tania).
     
    Durant les 15 années qui suivent, tout autant pour les vacances des enfants que pour la santé de Redmond fragilisée par la diphtérie, les Cafferata se rendent très régulièrement en Suisse, à Crans-Montana.
     
    Crans est même le lieu de naissance de Gerald (d’aucuns diront de lui qu’il savait skier avant de savoir marcher !). C’est également là que Redmond est initié à la photographie par un photographe anglais, professionnel en retraite.
     
    Durant cette même période, dès que ses obligations familiales et professionnelles le lui permettent, Redmond se rend aussi très régulièrement à l’observatoire de la prestigieuse université de Cambridge qui, depuis 1891, dispose d’une extraordinaire lunette Cooke de 62cm, la Newall(8). Lors de sa création, en 1870 et durant 25 ans, elle est la plus grande lunette du monde (alors qu’elle n’est qu’amateur !).
     
    En 1905, Redmond apprend avec beaucoup de tristesse que le Bidston Hill et tout son équipage ont sombré au Cap Horn, lors d’une formidable tempête (dont il connait fort bien l’extrême violence pour en avoir vécu une en 1896, à bord du même bateau).
    Lors de sa convalescence “forcée” à Boston, il avait visité des entreprises américaines et s’était aperçu qu’elles disposaient de deux services assez spéciaux et tout à fait inconnus sur le vieux continent : un laboratoire Qualité et un autre, appelé Recherche et Développement, services ayant pour buts de tendre vers plus de qualité sur le produit fini et de trouver des produits nouveaux. Il convainc donc ses frères de créer de tels départements au sein de la société Cafferata et Cie, ce qu’ils font sans trop y croire. Ils sont bien inspirés de suivre ce conseil car, un an plus tard, le jeune diplômé qui dirige le bureau Recherche et Développement met au point une pâte bien utile et bien spéciale : le ciment dentaire. Cette découverte mondialise l’étendue de l’entreprise familiale car il a l’excellente idée de déposer un brevet international, ce qui signifie qu’à chaque fois que quelqu’un dans le monde achète ce ciment dentaire, la société Cafferata et Cie engrange des dividendes. 
     
    L’année 1910 est, pour Redmond, une année assez faste car le ciel est le théâtre du passage de deux comètes, dont celle de Halley. Avec femme et enfants, il va passer de nombreuses heures à l’observatoire de Cambridge utiliser la lunette Newall.
     
    La famille Cafferata assiste, en 1912, au départ du Titanic (en tant qu’ancien marin, Redmond n’aurait manqué cet évènement pour rien au monde). C’est Rose qui a réservé et offert les places car c’est la date exacte de l’anniversaire de son mari.
    Le géant des mers sombre quelques heures plus tard, en début de nuit, le 14 avril 1912, le jour des 34 ans de Redmond, qui, ce jour-là, perd une dizaine d’amis …
    Un an plus tard, c’est à l’université de Cambridge qu’il observe la comète Giacobini-Zinner. Bien que moins spectaculaire que Halley, observée 3 ans plus tôt avec le même instrument, Giacobini est vraiment magnifique.
     
    En 1914, grâce au travail acharné de ce brillant personnage, la société Cafferata et Cie compte 500 employés. En plus, il a insufflé un vent de grand respect vis-à-vis du monde ouvrier. Ainsi, chaque dimanche, les mineurs viennent à l’usine avec leurs enfants, non pour travailler, mais pour pique-niquer, et, surtout, faire jouer ces derniers avec les locomotives de la société. Et donc, pendant des années, des centaines d’enfants jouent au train, mais eux, grâce à Redmond, c’est grandeur nature !
     
    Le premier conflit mondial qui gronde va être, malheureusement, un tremplin économique fabuleux pour ces petits industriels. Durant cette triste période, la société familiale modifie très légèrement le ciment dentaire inventé par Redmond vers 1905 et le brevet assorti car des médecins se sont aperçus que, pour réparer certaines fractures, il suffisait de changer la formule de départ pour utiliser efficacement cet amalgame en chirurgie réparatrice.

         

     
    Son dernier enfant à peine né, il part à la guerre (dans les Services Secrets, l’Intelligence Service, père du MI 5). Comme il parle 5 langues couramment, ses affectations sont toutes à l’étranger : il est nommé en Allemagne, à Rotterdam, puis en France, à Pontarlier (où il découvre l’absinthe de l’Assommoir d’Émile Zola qu’il lit en français), puis en Suisse, à Berne (pays de son lieu de vacances, lieu qu’il connait donc très bien) et, finalement en Grèce, à Athènes (où malgré les évènements, il goûte à la douceur du climat méditerranéen). La charge de travail à Athènes étant très administrative et nettement plus faible qu’à Berne, Redmond peut se permettre de s’accorder quelques distractions.
     
    Comme il ne parle ni ne lit la langue locale, il loue les services d’un précepteur avant de visiter tout Athènes (aller dans un musée, au théâtre, participer à une réunion ou visiter un monument et ne pas comprendre ce qui se dit est assez frustrant). Cette connaissance de la langur lui donne une réelle autonomie pour découvrir, à sa guise, et sans guide, ce pays chargé d’Histoire et qui contient une des sept merveilles du Monde …
     
    Il profite de pouvoir disposer de quelques jours de relâche pour se rendre sur l’ile de Malte, au large de la Sicile, là, où vers 1860, un exceptionnel astronome amateur anglais, William Lassel, observait les étoiles avec son télescope de 120cm FAIT MAISON (optique et mécanique). Les travaux de cet infatigable et passionné amateur concernaient essentiellement la mise au point, la finalisation (théorique et pratique), de la monture équatoriale. Ses avancées permirent à la photographie, bien des années plus tard, d’arriver en astronomie et d’en révolutionner la pratique. William Lassel était aussi un observateur né. Il découvrit visuellement (ce qui est un exploit, ni plus, ni moins) un satellite de Saturne, un de Neptune et deux d’Uranus. Son nom est donné à un cratère lunaire et un astéroïde. Cet amateur exceptionnel était un contemporain de l’irlandais lord Ross ; il fut lauréat puis Président de la R.A.S. Il rapporte quelques souvenirs de la guerre, le premier étant particulièrement douloureux : le décès au front de son frère cadet, Clément ; le deuxième est sa tenue d’officier et le sabre d’apparat qui va avec (finement gravé à ses armes et qui fera l’admiration et la fierté de ses jeunes enfants !). Enfin, comment passer un an en Grèce sans rapporter un souvenir inoubliable du Parthénon, lieu où les hommes ont créé la démocratie.
     
    Redmond est libéré à Athènes en Mars 1919. Pour le motif “services rendus à la Nation” et à cause des séquelles de la diphtérie, il lui est “imposé” une convalescence gratuite d’un an, en France, sur la French Riviera (la Côte d’Azur) mots qui chantent dans sa tête (ciels clairs !). C’est à la fin de la Belle Époque, qui marque le début des Années Folles, qu’il s’installe temporairement à Nice où l’attend une nouvelle vie, faite de mondanités pour plaire à son épouse, et d’observations du ciel, par passion personnelle.
     
    Commentaires de l’auteur
     
    Toute sa vie, de l’âge de bambin à celui de chef d’industrie, Redmond n’aura de cesse de lever les yeux au ciel et d’imaginer son observatoire (quitte à passer parfois pour un doux dingue …).
     
    De plus, il a devant ses yeux, le spectacle de ses parents et grands-parents, gens cultivés et travailleurs acharnés (et ce n’est pas un vain mot), qui, pour subvenir aux besoins de leur descendance et accéder au statut social qui était le leur, ont commencé par creuser la terre, souvent à main nue.
     
    Il apprend très jeune que l’argent qui circule sous ses yeux et dont il profite n’est pas tombé du ciel et que, s’il veut avancer dans un certain confort, assumer une famille (et sa passion !), il faut qu’il se retrousse les manches … L’expression “à la sueur de son front” est pour lui, à prendre au premier degré.
     
    Un des points importants de son parcours est une énigme : pourquoi est-il parti à la guerre ? Il avait 36 ans, était marié, père et chef de famille, professionnellement, il était chef d’entreprise, donc parfaitement établi dans la vie “civile”. Seul un sens patriotique exacerbé peut expliquer cette situation. On ne saura jamais …
     
    Du point de vue astronomique, l’âge aidant, son rôle de spectateur se termine ; il devient acteur de sa passion. Durant la période qui précède la guerre, il profite, dès qu’il le peut, de la lunette Newall.
    Compte tenu de sa grande aisance financière et de la qualité des astronomes dont il s’inspire (de J. Wigglesworth à W. Lassel, pour ne citer qu’eux), nul doute qu’il va avoir un parcours hors des sentiers battus …
     
    Notes
     
    1 - Voir la fiche spécifique de la lunette Wigglesworth.
    2 - Voir la fiche spécifique concernant Thomas Cooke.
    3 - Stonyhurst est aussi le collège de Sir Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes. Cette institution, qui a éduqué tous les fils Cafferata, dépend de la ville de Cliterhoe et a pour surnom “Stony”.
    4 - Comme ce miroir était en bronze, il ternissait en permanence et avait donc un besoin chronique d’être ravivé par un nettoyage approfondi. Cette opération prenait quelques semaines, durée pendant lequel ce léviathan était inutilisable. Afin de pallier cette inévitable (et insupportable) perte de temps, Lord Ross avait fait réaliser deux exemplaires du dit miroir
    5 - Voir la fiche spécifique de la lunette Perry.
    6 - Alvan Clark est un célèbre fabricant d’instruments d’astronome américain. Alors que Redmond n’a utilisé cet instrument que quelques semaines (alors qu’en plus il était malade), la lunette Clark qu’il découvre en 1897/98 va l’inspirer très vivement lors de la commande de sa 250 en 1930 car elle est manipulable par une seule personne, ce qui est très important pour lui. Il veut un instrument à dimensions humaines, un instrument qu’il peut utiliser seul.
    7 - Kensington est le quartier ultra-chic de Londres. Il sera, bien plus tard, le lieu d’habitation de la romancière Agatha Christie et du chanteur Freddy Mercury, du groupe Queen.
    8 - Voir la fiche spécifique de la lunette Newall.

     
    Destins étoilés 
                     une petite partie du site industriel Cafferata & Cie
     
     
     
     
    Chapitre deuxième
     
     
    Il commence son séjour forcé en Novembre 1919, au Queen Victoria Memorial Hospital (Mont Boron - Col de Nice), et l’achève à la Maison de Convalescence pour Officiers Britanniques (à Cimiez, un quartier bien connu de Nice). Il accepte volontiers, car il connait la douceur de vivre au bord de la Méditerranée et, en plus, il y a à Nice, un observatoire fort célèbre, l’observatoire Bischoffsheim (prononcer bichoffchaillme) qui abrite une des plus grandes lunettes du monde, (76 cm de diamètre pour 20 m de long environ) qu’il compte bien fréquenter s’il en a l’occasion.
    Il propose alors à sa femme de venir le rejoindre car son séjour ici risque d’être long. Rose ne se fait pas prier pour confier les enfants à la nurse et la maison à la gouvernante afin de retrouver son époux. Depuis Août 1914, elle trouve le temps long, seule dans le grand manoir familial d’Irham. Certes, les quatre enfants égaient vraiment sa vie mais elle se languit de son mari …
     
    À peine arrivée sur place, elle se félicite de ne pas avoir emmené les enfants car ils auraient été fort mal installés tant le logement militaire prêté est exigu et ne propose qu’un confort quasi monacal. Pour quelqu’un de seul ou en couple, cela peut convenir, mais, pour loger une famille, même temporairement, c’est totalement inadapté. Considérant donc qu’ils sont logés à l’étroit, elle se met immédiatement à la recherche d’un appartement plus spacieux et confortable. Elle le trouve à deux pas du Cimiez, rue Raynardi. Là, ils louent le dernier étage d’un immeuble résidentiel de très grand luxe, le palais Donadei.
     
    À présent qu’il va beaucoup mieux, Redmond partage son temps entre de fréquents séjours en Angleterre, pour régler les affaires courantes, et Nice, où il a sympathisé (entre autres) avec le directeur de l’observatoire (Mr. Gaston Fayet) qui l’a autorisé à se rendre quand il veut aux coupoles, ce dont, bien sûr, il ne se prive pas (ce n’est pas tous les jours qu’un amateur peut utiliser un instrument de classe “professionnelle”) …
     
    Ils ont fait venir leurs deux plus jeunes enfants, Sonia et Tania, alors âgées de 12 et 6 ans. Rose a inondé la suite de ses plantes exotiques. Elle consacre également beaucoup de son temps à la musique (il semblerait même que Sonia a attrapé ce virus, ce dont sa mère se réjouit) et à ses occupations mondaines préférées : concerts, cocktails, soirées, anniversaires et autres réceptions huppées. Elle retrouve, 20 ans plus tard, des gens connus lors de son enfance. Pour certaines, ses “relations” d’enfance sont devenues des personnalités très en vue, présidents de conseil, ministres, industriels … Elle redécouvre à Nice et à Monte Carlo tout l’univers de son jeune âge, la petite Rose est devenue une femme magnifique, mariée à un richissime industriel anglais et mère de quatre beaux enfants …
     
    La seule ombre à ce tableau est qu’elle n’a pas de voiture, au contraire de ses amies,  et qu’elle est donc obligée de venir se faire chercher et raccompagner à chaque sortie.
    Comme de bien entendu, Redmond a parfaitement enregistré cette demande à peine masquée et, pour son anniversaire, date à laquelle tout la famille se retrouve à Nice, il lui offre un cadeau magnifique, objet de ses désirs : une splendide limousine, une Delage CO Salamanque. Rose est bien sûr folle de joie devant ce cadeau extraordinaire : Redmond a fait décorer et aménager l’intérieur aux goûts très “cosy” de Rose : cuir, laiton et loupe d’orme polis miroir, soie, velours). L’habillage des sièges est réalisé avec du brocart d’argent de Chandernagor offert par son beau-père. Comble du chic, c’est une conduite extérieure, découvrable de surcroît. Contrairement aux apparences, Redmond est assez indifférent au monde de l’automobile de luxe, (comme celle qui comble tant sa femme). Par contre, il est fou de sport automobile et n’a de cesse de s’émerveiller des performances des Bugatti ou autre Aston-Martin … Sans hésiter une seule seconde, son choix s’est porté sur Delage car il avait eu l’occasion d’utiliser cette marque tout au long de la guerre, avec les officiers français, car, durant la guerre, Delage avait été le fournisseur officiel de l’Armée pour l’État-Major. De plus, comme ce fabricant est très impliqué dans le sport automobile, Redmond avait eu grand plaisir à encourager ce compétiteur. Enfin, le fait que le client puisse décider lui-même des aménagements intérieur avait fini de le convaincre.
     
    Le temps passe et les Cafferata imaginent de moins en moins de retourner à Newark. En 1925, ils prennent la décision de s’installer définitivement à Nice. Les garçons étant en pension à Stonyhurst, le problème de leur garde et de leur éducation ne se pose donc pas. Redmond est chargé par Rose de trouver un lieu pour faire construire une habitation. La consigne féminine est : quatre chambres minimum, un jardin, vue sur mer et pas loin du centre de Nice et de Monte Carlo, les consignes masculines sont : un bureau-bibliothèque, un toit en terrasse pour y installer un engin d’astronomie sous coupole et, si possible, pas loin du Mont Gros (siège de l’observatoire !).
     
    En quelques semaines Redmond a trouvé la perle rare et veut faire la surprise à Rose (avant de l’emmener voir, il s’est assuré qu’il pourrait y implanter une coupole). Un jour de l’été 1925, au motif d’une simple promenade, ils prennent la route pour Monte Carlo, et s’arrêtent au bout de quelques centaines de mètres, Rose demande alors : “ – Que se passe t-il ?” Ils sont sur la corniche basse, face à St Jean Cap Ferrat et à Villefranche-sur-Mer, le quartier de résidence des milliardaires, des chefs d’État, des artistes … L’observatoire de Nice est à moins de trois minutes à pied, et, en voiture, Monte Carlo est à dix minutes, la promenade des Anglais à cinq. Pour les Cafferata, c’est l’endroit idéal. Rose est conquise en une seconde (en plus, c’est un terrain les pieds dans l’eau, difficile de trouver plus près de la mer).
     
    Dès 1926, après avoir déboursé 250.000,00 francs-or, Redmond fait construire en ce lieu, une splendide villa avec piscine et, surtout, un jardin totalement pensé et organisé par Rose, une salle de musique, une bibliothèque … et, pour son usage personnel, un toit en terrasse …
     
    Les Cafferata savent exactement ce qu’ils veulent et dirigent donc cette construction sans difficulté. Ils dessinent eux-même les plans et sont aidés par une amie de Redmond, Marguerite Pernet (connue en 1916 à Pontarlier). Les architectes ne sont sollicités que pour avaliser ces plans “home made” et vérifier leur adaptation au style niçois ambiant. Les compétences de chacun sont mises à contribution pour concevoir la villa. Rose a voulu que la salle de musique soit hémisphérique et donne sur la baie de St Jean. Elle est percée d’immenses portes-fenêtres qui s’ouvrent sur une terrasse de grandes dimensions. Le piano sera installé face à la mer.
    Rose s’occupant des aménagements du quotidien, Redmond peut pleinement se consacrer à l’astronomie.
     
    En fait, cela fait deux ans qu’il travaille au cahier des charges de ce télescope. L’instrument et la coupole sont bien sûr choisis par lui, en fonction de ses goûts techniques et esthétiques personnels, mais sont dessinés de façon collégiale, en étroite collaboration avec tous ses amis de l‘observatoire. (Ainsi, de plus, il est quasi certain de ne pas se tromper, il n’a pas de coup d’essai !).
     
    Parmi la myriade de constructeurs disponibles en 1927, deux fabricants se sont toujours détachés des autres. Ils proposent tous deux une catégorie très haut de gamme, et, surtout, la possibilité de fabriquer une pièce unique, non reproductible ; ce qu’apprécie tout particulièrement Redmond, très intransigeant sur ce point. L’un est allemand, Zeiss, l’autre est anglais, Cooke, Troughton & Simms*. Comme il est anglais et que, depuis sa plus tendre enfance il connait ce nom,* son choix se porte finalement sur le deuxième. Gaston Fayet approuve ce choix et lui donne alors une revue professionnelle où l‘on présente la nouvelle société Cooke & Sons et son histoire depuis le siècle d’avant :
     
    La société de fabrication de matériel optique de précision T. Cooke & sons a été créée par Thomas Cooke et ses deux fils, Thomas et Frédéric, en 1836. Elle a tout de suite pris le créneau du matériel optique “industriel” de grande qualité en Europe (comme Carl Zeiss Iéna en Allemagne de l’Est). Elle fabrique des niveaux, des compas de relèvement, des microscopes, des théodolites, des lunettes de visée pour les TP et, bien évidemment, des lunettes astronomiques.
     
    En 1880, elle engage comme opticien un certain Harold Dennis TAYLOR (identifié par ses initiales, HD ou HDT) qui se révèle très vite être en fait un opticien exceptionnel, pratiquement un artiste, tellement sa maîtrise semble naturelle. Il marche dans les pas d’Airy, Coddington, Steinhel etc …
     
     
    On lui doit :
     
    En 1890, le système de test optique dit “autocollimation en double passe”.
     
    En 1891, un traité d’optique de 60 pages que les opticiens du monde entier connaissent et utilisent encore aujourd’hui, le fameux A.T.T.O. (1) (Adjustment and Testing of Telescope Objectives) suivi, quelques années plus tard, du non moins fameux S.A.O. (System of Applied Optics).
     
    En 1892, il crée la formule apochromatique (brevet 17, 994/92) et le traitement des optiques. À cette période, il fabrique le plus bel objectif photographique apochromatique du monde qui restera, pendant de très nombreuses années, le summum de l’optique photographique astronomique.
     
    En 1895, pour mettre au point les verres dont il a besoin pour vérifier ses calculs, il se rend en Allemagne pour rencontrer la société Zeiss et deux ingénieurs autodidactes Otto Schott (un opticien exceptionnel, sans doute le meilleur verrier d’Europe). Lors de ce voyage d’études, il rencontre aussi Ernst Abbe, un autre opticien exceptionnel, qui a marqué d’une empreinte indélébile le milieu de l’optique astronomique (inventeur des oculaires monocentriques). La société d’Otto Schott devient alors le verrier officiel de Cooke.
     
    En 1915, le groupe Vickers prend le contrôle de T. Cooke & Sons.
     
    En 1922, cette société rachète deux de ses fournisseurs en difficultés financières, Troughton et Simms et donne naissance à la société Cooke Troughton & Simms (CTS). Le fils d’HD Taylor, Wilfried, lui succède alors (cela fait des années qu’il travaille chez Cooke, avec son père).
     
    On peut dire que tout au long de leurs carrières, les Taylor déposent grand nombre de brevets, et ont à leur actif de multiples innovations, par exemple : le traitement des optiques, l’application au réglage d’un barillet du système des vis tirant-poussant (vis en push-pull) et reçoivent de nombreux prix d’excellence pour leur travail dans l’optique de très grande précision.
     
    Le contenu de ce véritable panégyrique ne fait que renforcer le désir de Redmond de confier au fabricant anglais, la réalisation de son télescope (il veut un Cassegrain, pas un Newton).
     
    Le premier engin de sa future installation astronomique sera donc un 610 Cassegrain équatorial Cooke. La villa est à peine sortie de terre que Redmond, consultant bénévole pour la société Cafferata et Cie, profite d’un voyage d’affaires en Angleterre pour aller chez Cooke le commander.
     
    À Londres, puis à York, c’est Wilfried qui le reçoit. Compte tenu du cahier des charges et du niveau de perfection exigé, ce dernier préfère demander l’aide avisée de son père (le célèbre Harold Dennis) qui, bien que retraité (comme Redmond), accepte sans difficultés d’être consultant éclairé sur l’optique. 
     
     
    Harold est étonné qu’une demande pour un tel engin émane d’un particulier car, généralement, les instruments de cette taille, de cette gamme et enfin de ce prix, sont commandés par des gouvernements, des municipalités ou des universités. Redmond est très heureux que cela soit Mr Taylor père qui supervise sa demande car c’est un honneur infini d’être pris en charge par une sommité mondiale de l’optique alors qu’on est un “simple” particulier. Depuis qu’il est en âge de lire, tous les ouvrages astronomiques qu’il connaît mentionnent, à un moment ou à un autre le nom Cooke & Sons ou HDT. Il était à 1000 années-de-lumière d’imaginer, qu’un jour, il aurait un instrument portant l’un de ces noms prestigieux, voire les deux. HDT, qui a bien noté la précision demandée, portera toute son attention à la réalisation du miroir collecteur de lumière. De façon à totalement rassurer Redmond, une attestation de qualité (on dit aussi un bulletin de contrôle) portant mention des caractéristiques en toutes lettres et signée par HDT en personne lui sera remise au moment du paiement. Du point de vue technique (monture et tube), il y a peu à dire aux dessins fournis. Seuls deux ou trois inserts et bagues en bronze ont été ajoutés (pour encore minimiser le risque de vibrations). Cette commande assez spéciale nécessitant environ un an de délai pour être honorée, HDT propose à Redmond de lui prêter un instrument en attendant ; une lunette apochromatique (3 lentilles) de 160mm de diamètre !!!!!! (Déjà un graal de 120 Kgs). C’est un instrument quasi inaccessible au commun des amateurs (très onéreux et encombrant). Il doit en exister moins de 10 en France. Wilfried demande quelques jours de délai pour faire sa proposition. Redmond est tout à fait d’accord pour ce délai, car, en fait, la société familiale a des bureaux à York et à Londres et, comme il a prévu de s’y rendre durant une dizaine de jours, cette attente ne le gêne pas du tout.
     
    Quand la réponse de Cooke est prête, Redmond invite Wilfried et son père dans un grand restaurant de Kensington, à deux pas du lieu où il s’est marié, environ 20 ans plus tôt.
     
    Les Taylor sont impressionnés par le luxe du lieu, Redmond pas du tout. La conversation démarre de suite sur tous les aspects techniques, le délai de fabrication important et la livraison-installation à Nice. Quand il voit le niveau des questions techniques, Redmond sent bien que les Taylor ont travaillé très en profondeur sur les caractéristiques de l’optique.
     
    La fabrication va demander sept mois car la société Cooke, de façon habituelle, ne fabrique pas de télescopes (réflecteurs) mais des lunettes (réfracteurs). Mais là, pour être agréable à ce client “pas comme les autres” elle fait une exception (les confrères de chez Zeiss pourront les aider si besoin est, notamment la société de E. Abbe). 
    À la fin du repas, entre la poire et le fromage, Wilfried oriente la conversation vers le chapitre Prix, (ce qui l‘embarrasse un peu car c’est un montant très élevé pour un particulier). 
     
    À son grand étonnement, Redmond ne sourcille même pas à l’annonce de la somme (on est loin du prix de la limousine de Rose !). Les Taylor ne sont pas au bout de leurs surprises : sans sourciller, Redmond plonge sa main dans sa veste, en sort un ordre de virement vierge, le tend à Wilfroed et lui demande de le remplir pour qu’il le remette à la banque l’après-midi même !
    Les Taylor restent sans voix devant cette pratique. Être payés d’avance de 100% du prix, en plus sur un tel budget, ça ne leur est jamais arrivé ! Visiblement, ce qui est cher pour les Taylor ne l’est pas pour Redmond !
    Compte tenu du sérieux dont fait preuve la société Cooke depuis des années et du geste commercial dont il bénéficie sans avoir demandé quoi que ce soit, Redmond pense qu’il la sollicitera pour l’instrument de ses rêves, une lunette apochromatique de 250mm de diamètre (en plus, comme c’est cette société qui a inventé la formule en question, elle est tout à fait crédible …).
     
    Cet engin unique est introuvable. Il n’en existe pas de photographie. Un instrument de ce type mais vraiment plus petit et a priori plus récent (l’habillage interne de la coupole est le même) est visible sur ce site :

     

    Dès que la “petite” 160 arrive d’Angleterre, Redmond et ses amis de l’observatoire la déballent et la mettent en station (la règlent en fonction de l’étoile polaire). Gaston a trouvé un emplacement ad hoc à un peu plus de 50 mètres de la 76cm. Redmond est très heureux du choix de cet emplacement, car, pour un simple amateur comme lui, installer son instrument à côté d’une des pus grandes lunettes d’Europe, c’est assez bien !
     
    Durant le déballage de la 160, l’équipe de l’observatoire découvre un aspect des connaissances de Redmond qu’elle ne soupçonnait pas.
     
    D’une cinquième caisse Redmond sort un magnifique écrin d’acajou portant une plaque laiton gravée de la mention Cooke / Zeiss 14. Sans un mot, il s’en empare et l’emporte chez lui le soir même.
     
    Ce n’est que 3 jours plus tard, lors de l’inauguration de sa 160 à la villa Anouska à peine achevée, que Gaston et ses collaborateurs voient resurgir l’énigmatique coffret.
    Au moment du champagne, Redmond présente à l’assemblée réunie pour l’occasion une acquisition dont il est très content : une chambre photo construite à sa demande par Cooke autour d’un objectif Tessar 14mm Zeiss. Comme l’assemblée est composée exclusivement d’astronomes (à part sa famille), tous comprennent de quoi il s’agit et sont étonnés de voir qu’un amateur a les compétences pour utiliser un tel accessoire, exclusivement dédié à la photographie astronomique. Cette dernière en est à ses débuts et demande des compétences bien spécifiques. De plus, cet accessoire hors de prix n’existant pas dans le commerce, Redmond l’a fait fabriquer par Cooke en exemplaire unique. Redmond comptait l’utiliser sur son 600 mais HDT l’avait fait changer d’avis en lui disant qu’il pouvait très bien fonctionner sur la 160 équatoriale qu’il lui prêtait. Redmond avait donc simplement anticipé sa commande.
     
    À la surprise générale, Redmond leur indique, qu’en fait, dès 1902, il avait fait de la photographie à haut niveau (portraits et paysages). Il avait découvert cette activité sur son lieu de vacances à Crans en Suisse, car, il y avait dans le même hôtel que lui, un photographe anglais très célèbre (H. Cosbury) qui lui avait transmis sa passion et lui avait enseigné les bases (et bien des astuces pour le développement) …
     
    Redmond avait donc pour projet personnel de replonger dans cette activité par l’astronomie et comptait sur ses amis de l’observatoire (praticiens de très haute-volée) pour cela. Sans rien dire à personne, il avait renoué avec la photo en se faisant fabriquer cette magnifique chambre. Bien sûr et aussitôt, Gaston accepte de l’aider en l’intégrant sur le champ à l’équipe chargée du réaménagement du labo photo de l’observatoire. Ce réaménagement en cours étant complété par l’arrivée de nouveaux matériels, le concours d’un œil neuf et techniquement de bon niveau est donc la bienvenue. 
     
    Pour Redmond, être intégré à ces réaménagements constitue une véritable aubaine. Quelle belle opportunité s’offre à lui !
     
     
    Présentation et explication simple d’une chambre photo pour l’astronomie
     
    Chambre photo similaire (sur le plan technique) à celle de Redmond.
    Sur la droite, dans la partie étroite du tube conique (donc invisible), se trouve la lentille-objectif (Zeiss type Tessar, 14mm de focale). Au-dessus on voit les deux molettes qui font aller et venir l’objectif sur quelques cm pour faire la mise au point.
    À gauche, l’image se forme sur une plaque de verre habillé de plan film.
    Une plaque vierge est visible, sous la chambre. On voit aussi l’obturateur (disque au bout de la grande tige) qui permet de protéger la lentille de la poussière.
    Sur le 600 en commande et la 160, Redmond a fait installer des supports à demeure et peut ainsi utiliser tel ou tel instrument comme support équatorial (et donc, pendant les poses, observer avec l’autre instrument). 
    Il est extrêmement difficile (voire impossible) d’obtenir un tel objectif car cette focale (14mm) est habituellement réservée à la photographie professionnelle.
     
     

    Destins étoilés 

    Chambre photo astro Brashear - USA -1911

     
     
     
     

    Destins étoilés

     
    Une lunette Brashear de 160mm, similaire à la Cooke.
    La chambre photo prend place au milieu du tube obtique
     

    28 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique